« Quel système de santé demain ? » – Compte rendu du conseil de circonscription

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« Quel système de santé demain ? » – Compte rendu du conseil de circonscription

Le 8 février Christophe Geourjon a convié les habitants à discuter et débattre sur le thème de la santé. Une réunion riche en échanges en présence de Docteur Jean-Pierre Fusari, Président du Centre Départemental des Professions de Santé, Président du Syndicat des Médecins du Rhône et Conseiller de l’Ordre des Médecins du Rhône.

Introduction par Christophe Geourjon

La réforme de notre système de santé doit aujourd’hui permettre de concilier une exigence majeure : l’accès équitable à des soins de qualité dans un contexte de tension budgétaire extrême.

Christophe Geourjon commence le conseil de Circonscription avec un chiffre : 260 milliards. C’est la dépense courante annuelle de santé en France. Pour illustrer ce propos, il oppose ce chiffre à celui du budget de l’éducation nationale (y compris la recherche) qui est 3 fois inférieur à celui-ci. Sans oublier les 156 milliards d’euros du déficit cumulé.

La santé est un secteur qui emploie un million de personnes, et a des enjeux importants pour la prévention. Mais cette priorité est entachée par le non-renouvellement actuel des médecins ou encore le problème des déserts médicaux.

Présentation par le Docteur Jean-Pierre Fusari

Le Docteur Jean-Pierre Fusari est le Président du Centre Départemental des Professions de Santé, Président du Syndicat des Médecins du Rhône et Conseiller de l’Ordre des Médecins du Rhône

Afin de laisser plus de temps à l’échange et au débat, la présentation est centrée sur la loi 2015 dite de « Modernisation du système de Santé »

 

  • Le refus d’associer les professionnels de santé

Il est à noter qu’en avril 2015, le Groupe UDI à l’Assemblée Nationale s’est opposé au projet de loi de Modernisation de notre système de santé, construit sans qu’une réelle concertation ait été menée avec les professionnels de santé, seuls garants de l’efficacité des mesures proposées. Une telle réforme aurait dû être pensée avec et pour les femmes et les hommes qui sont au cœur du système de santé : les patients, d’une part, et les professionnels de santé, d’autre part ; au lieu d’un passage en force à l’assemblée nationale par le 49.3.

Ce projet de loi ne permettra pas d’assurer aux professionnels de santé de véritables perspectives de carrière, sans lesquels le niveau d’excellence de recrutement et les obligations liées à ce domaine d’activité ne pourront être maintenus. Il est pourtant essentiel que leurs formations, leurs rôles et leurs compétences soient enfin reconnus à leur juste valeur.

  • Le système de santé doit fonctionner sur « deux jambes »

Un service hospitalier public performant mais coûteux et un secteur privé comprenant : médecine libérale, cabinets, cliniques et hôpitaux privés. Ces 2 systèmes doivent travailler à une meilleure prise en charge du patient, complémentaire et sans que la nature des structures soit discriminante pour le patient.

Ce secteur est écrasé par l’administration et les normes avec de graves conséquences y compris dans l’attractivité des jeunes et les coûts de fonctionnement…

S’il est à noter un virage ambulatoire réellement assumé et des avancées notables dans des domaines tels que le droit à l’oubli (par exemple pour un patient victime de cancer en rémission de plusieurs années), la prise en charge des personnes handicapées, etc..

L’une des mesures phares de la loi 2015 est le tiers payant généralisé. C’est l’objet de sévères critiques dont le fait qu’il n’apporte aucune réponse aux niveaux insoutenables qu’atteint le reste à charge, il dévalorise les actes des médecins, il déresponsabilise les patients, il bureaucratise la médecine, etc.

En France, il existe près de 600 mutuelles. La mise en œuvre du tiers payant généralisé est donc d’une très grande lourdeur et complexité pour les professionnels. D’autres mesures telles que la suppression du délai de réflexion de 7 jours pour l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG), ou encore la modification improvisée de la loi du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme sont également insatisfaisants.

Dans ce contexte, un plan de refondation du système est proposé :

  • Une définition claire de l’offre de soins de 1er recours organisé autour du médecin et en partenariat avec les autres professionnels de santé de proximité.
  • Un parcours de soins renforçant la responsabilisation du patient.
  • Restaurer le rôle des spécialistes dans le 2ème recours
  • Replacer l’hôpital dans le 3ème recours (l’hôpital doit rester dans ses murs)
  • En outre, il est indispensable de prévoir des mesures d’ampleur pour lutter contre l’effondrement de la démographie médicale et la désertification médicale. De même, il convient de simplifier les lourdeurs administratives qui dissuadent beaucoup de jeunes diplômés de s’installer (seulement 10% des jeunes diplômés s’installent en médecine libérale).
  • Libérer les urgences des 15 millions de passages qui n’ont rien à y faire.
  • Mettre en place une politique de prévention (ceci est du moyen long terme).
  • Mesures écologiques (environnement/pollutions /alimentation/énergies renouvelables)

Quelques chiffres d’économies possibles:

  • Le regroupement des régimes spéciaux pourrait rapporter 7 milliards d’économies sur 5 ans
  • Une taxe sur les complémentaires (150 sur les 600 millions de bénéfice)
  • Au niveau des complémentaires, les frais de gestion se montent à 7 milliards d’euros… mais 3 sont utilisés pour de la publicité. Une économie importante est donc possible.
  • Rationalisation des services d’urgences : 3 milliards d’économie potentielle sur 5 ans
  • Retour à un taux d’hospitalisation dans la moyenne européenne et développement des médicaments génériques sur le modèle allemand permettrait 10 milliards d’économie.
On pourrait ainsi arriver à couvrir le déficit de la branche maladie de la Sécurité sociale par des choix politiques !

 

 Verbatim du débat

  • Est-on clair sur l’objectif de santé mesuré selon des paramètres pertinents que tout le monde comprend ?
  • On ne peut pas contrôler le budget si des règles claires ne sont pas établies
  • Le tiers payant qui résout des problèmes de trésorerie pour le patient individuellement aboutit à une déresponsabilisation totale par le fait que personne ne connaît le « combien ça coûte ». Quand je sors de la pharmacie, je ne sais pas ce que coûte ce qu’il y a dans le sac.
  • Il y a tout un schéma de fonctionnement qui va vers le « on s’en fou, ce n’est pas le problème » et ce type de raisonnement mène « droit dans le mur ». Il faut tracer et que chacun sache combien ça coûte, c’est un minimum de pédagogie !
  • La responsabilisation du patient est indispensable (débat sur l’hôpital public et logique du sapeur camembert)
  • L’hôpital public a un coût de fonctionnement plus important que l’hôpital privé. La cotation de l’acte est identique, mais le prix de la journée est plus important (hébergement, prise en charge,…)
  • Débat sur la légalisation du cannabis. D’un point de vue médical c’est une absurdité, mais d’un autre côté on ne peut pas faire de la prévention sur quelque chose d’interdit, or il serait important de le faire dans les écoles dès le plus jeune âge.
  • Les mutuelles fusionnent et deviennent petit à petit de très gros groupes avec une concurrence limitée. Sur un plan déontologique, il sera intéressant d’observer où va « atterrir » notre actuelle ministre de la santé.
  • L’hyperspécialisation : « les usines » permettent une mise en commun de matériels coûteux (lasers, imagerie médicale…), mais il n’est pas souhaitable de spécialiser un établissement sur un seul acte. Ce serait de l’industrie et non de la médecine. Il est indispensable d’avoir une vision globale d’un patient et non traité un problème isolé.
  • A l’inverse, les méthodes de l’industrie pourraient s’appliquer sur le plan organisationnel à la médecine
  • La prise en charge du déplacement et du stationnement pour les consultations à domicile est dissuasive, en particulier en milieu urbain. En conséquence, il y a de moins en moins de visites à domicile y compris en ville.
  • La demande d’association est forte. Les jeunes ne veulent plus travailler seuls sans compter les aspects de sécurités (accentué par la féminisation de la profession).
  • Les urgences sont saturées. Les maisons médicales doivent permettre de faire « le tri »
  • Il peut exister parfois des abus (comme dans toutes les professions). L’ordre des médecins et la Sécurité sociale devraient être plus rapides à les sanctionner.
  • Avec le déficit cumulé et l’augmentation des coûts, en cas (fort probable) d’augmentation des taux d’intérêt, le système va dans le mur !
  • Le canton de Genève a un système de santé de qualité et en équilibre et la Sécurité sociale d’Alsace/Lorraine est excédentaire, pourquoi ne prend-t-on pas exemple? (il sera intéressant de vérifier l’exactitude de ces affirmations; N.D.L.R.)
  • Tenir compte du rapport de la « cours des comptes » mieux cibler les dépenses.
  • Débat sur le conditionnement : boîte ou vrac (problème de stérilité, de confusion, d’industrialisation, etc.) et la quantité utile de médicament
  • Economie possible concernant les notices dans la boîte (copie intégrale de l’annexe 2 de l’autorisation de mise sur le marché) illisible et sans intérêt réel sauf pour se prémunir en cas d’accident

Conclusion de Christophe Geourjon

Nous l’avons tous dit : notre système de santé est performant, mais il s’essouffle. Nous pouvons lister qu’il souffre :

  • des lourdeurs administratives
  • des conditions de travail qui se dégradent : violence, choc communautaire
  • de la saturation des services d’urgences,
  • de la difficulté d’obtenir un rendez-vous médical et ce même en ville.

Tout cela explique en grande partie le malaise – pour ne pas dire la détresse – d’une partie des professionnels de santé. Il y a 3 fois plus de suicide dans les professions de santé que dans la moyenne nationale. Les infirmières, particulièrement en milieu hospitalier, sont d’autant plus touchées (fin janvier un suicide à l’hôpital Georges Pompidou).

La question-clé est bien : « Comment est-il possible de baisser les coûts pour la collectivité et absorber la dette tout en conservant, voir même améliorant les qualités des soins pour tous ?

 

Plusieurs pistes doivent être soutenues :

  • Les maisons médicales multi-professionnelles (médecins, infirmiers, kinésithérapeutes, ostéopathes,…) permettent des pratiques croisées, pluridisciplinaires, contribuent à plus de sécurité pour les professionnelles et réduisent les charges en mutualisant les fonctions supports. Mais si l’on veut qu’elles fonctionnent efficacement, ces maisons médicales doivent être à l’initiative des professionnels de santé.
  • Je suis partisan d’un système de santé composé à la fois de professionnels exerçant en libéral et de professionnels en milieu hospitalier. Par contre, la complémentarité et la coordination doivent être grandement améliorées.
  • La prévention doit devenir un pilier de la politique de santé. Selon moi, l’objectif du système de santé n’est pas de soigner plus de monde et pour un coût global maîtrisé, mais plutôt de réduire le nombre de patients grâce à la prévention. Dans ce contexte, la récente mobilisation des étudiants dentistes Lyonnais pour demander un soutien accru à la prévention est à souligner. Des exemples intéressants existent : en Belgique l’abonnement à une salle de sport est partiellement pris en charge ou bien en Angleterre une application sur Smartphone permet de connaître instantanément l’équivalent en morceaux de sucre contenu dans un aliment, une boisson…
  • Dans un contexte d’allongement des carrières professionnelles, il est capital que la médecine du travail soit mieux reconnue. Elle doit être un partenaire pour prévenir le risque d’inadaptation au poste de travail en fin de carrière. Ces situations trop fréquentes sont très douloureuses pour les personnes concernées mais aussi très coûteuses pour la société dans sa globalité.
  • Mettre en place un système de formation continu pour les professionnels de santé qui soit indépendant des sociétés pharmaceutiques
  • Le développement d’outils numériques co-élaborés avec les professionnels de santé doit permettre de réduire la lourdeur administrative. En milieu hospitalier on estime que 30% du temps de travail est utilisé pour des taches administratives. De même, il convient de développer la e-santé (exemple du service des grands brûlés de l’hôpital St Luc St Joseph)
  • Il est essentiel pour moi que le patient connaisse le prix de la santé.
  • Aujourd’hui, le système de santé est financé essentiellement par les cotisations sociales qui pèsent quasi exclusivement sur les entreprises et les salariés. Ce système était adapté à une situation de plein emploi dépourvu de concurrence internationale. Cette situation est révolue. Il génère donc un déficit persistant, malgré la hausse des cotisations, la diminution des remboursements et la pression exercée sur les personnels de santé afin d’augmenter leur « productivité ». Il serait pertinent de faire basculer une partie de ces recettes vers l’impôt et les taxes sur la consommation. Ce qui aura aussi pour conséquence de diminuer le « coût » du travail, donc celui des produits et des services, de les rendre plus concurrentiels et de créer des emplois. Et d’assurer une meilleure prise en charge de tous les citoyens quel que soit leur statut.
Restons en contact !

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