Monsieur le Président,
Vous connaissez l’intérêt que je porte au rapport développement durable de notre collectivité, un rapport qui avait été voulu par le centriste Jean-Louis Borloo alors Ministre de l‘Écologie entre 2007 et 2010. Du fait de l’étendu des domaines couverts, de la nécessaire présence d’indicateurs chiffrés et objectifs, ce rapport devrait être le rapport annuel d’activité du Président de la Métropole devant le Conseil. Il devrait permettre de tracer les perspectives de l’année à venir. Le budget n’étant finalement qu’un outil technique au service de la réalisation de nos actions.
En bref, le rapport développement durable doit être un tableau de bord permettant d’évaluer en continue l’efficacité de nos politiques publiques et le cas échéant de réorienter nos actions.
Monsieur le Président votre rapport 2023 nous déçoit car il fait l’impasse sur certains indicateurs pourtant essentiels en termes de développement durable.
Je ne prendrai qu’un exemple pour illustrer mes propos : l’absence dans le tableau de bord des émissions de gaz à effet de serre induit par les projets de la Métropole de Lyon, émissions estimées en 2022 à 950 000 t équivalent CO2. Réduire nos émissions de gaz à effet de serre est pourtant essentiel pour contenir le réchauffement climatique.
Pour mémoire, l’objectif fixé par l’Union européenne est une réduction de 55% de nos émissions d’ici 2030 pour atteindre la neutralité carbone en 2050. C’est considérable, aussi il devrait être de la responsabilité de notre collectivité de montrer l’exemple et de s’engager résolument dans cette direction. Par 3 fois en 2023, je vous ai proposé d’inclure le coût carbone dans l’analyse des projets sous maitrise d’ouvrage Métropole de Lyon et particulièrement dans nos appels d’offre.
A chaque fois, vous avez rejeté cette proposition constructive s’inscrivant pourtant pleinement dans l’objectif d’un « dernier mandat pour le climat » pour reprendre votre slogan électoral de 2020. D’autant que les entreprises de notre territoire sont mobilisées pour atteindre cet objectif. Toutes ont réduit significativement leurs émissions de CO2 et elles continuent à investir pour cela. Autre exemple, Aéroport de Paris intègre ce paramètre dans le choix de ses prestataires avec une pondération importante à hauteur de 30% dans ses appels d’offre … Les habitants, les entreprises régionales, ADP le font mais la majorité verte de la Métropole s’en désintéresse, les habitants, les entreprises régionales, ADP le font mais la majorité verte du SYTRAL ne s’en préoccupe pas ! Cherchez l’erreur …
Je ne vais pas vous accabler avec d’autres critères manquants, mais en l’état votre tableau de bord fait preuve soit d’amateurisme dans le choix des indicateurs, soit de désintérêt vis-à-vis des enjeux environnementaux.
Revenons justement sur votre rapport et les paramètres que vous avez retenus dans le tableau de bord de votre rapport.
Certains sont erronés, d’autres font l’objet d’une interprétation faussée. Un seul exemple concernant la surface agricole utile engagée en bio : nous passons de 2 227,5 hectares dans le rapport 2022 à 2 072 hectares dans le rapport 2023 … Pour vous, Monsieur le Président ceci est une hausse. Pour moi, c’est une baisse de 8% de la surface agricole utile engagée en Bio !
De façon générale, l’édition 2023 du rapport Développement Durable, rebaptisé rapport Transition et Résilience, a un statut bien particulier. Arrivant à mi-mandat, ce rapport permet d’évaluer l’action de la majorité.
Je serai très direct, Monsieur le Président : ce rapport 2023 montre que trop d’engagements pris devant les Grands Lyonnais il y a plus de trois ans ne sont pas honorés. Trois domaines d’engagements, que je qualifierai de « fondamentaux », sont particulièrement révélateurs : la solidarité, le logement et les mobilités.
Dans votre livret « Maintenant l’écologie pour Lyon » publié en 2020, vous faisiez en effet de la solidarité un pilier de votre programme. Depuis votre arrivée aux affaires, le discours de votre exécutif a conforté la place centrale de la réduction des inégalités dans votre communication. Nous partageons cette ambition, mais qu’en est-il de vos actes et de vos résultats ?
Le rapport « Transition et Résilience » indique notamment que depuis 2021 vous avez accompagné avec le Revenu Solidarités Jeunes 1636 bénéficiaires. Autrement dit, plus de deux années après son lancement, vous êtes encore loin, très loin, de l’objectif de 2 000 jeunes accompagnés par an. Le risque d’un « Revenu Sans Jeunes » que nous pointions dès mars 2022 est toujours d’actualité et nous nous en inquiétons.
Pourtant, le soutien et l’accompagnement des plus démunis, et notamment parmis notre jeunesse, est indispensable, mais il s’agit d’un sujet trop grave pour se cantonner à des mesures-slogans.
Je souhaite rappeler, pour bien mesurer la gravité de la question, que dans notre métropole, selon l’INSEE, près d’un jeune sur quatre vit en-dessous du seuil de pauvreté, soit près de 75 000 personnes. Devant cette situation, outre l’inquiétude suscitée par les difficultés persistantes du RSJ, il est navrant de lire – dans le projet de nouveau SCOT ou dans le dernier rapport d’orientations budgétaires – que votre majorité décide volontairement de mettre fin à l’attractivité économique de la Métropole. Car, ce faisant, elle décide de plomber les capacités d’insertion ou de réinsertion de nos jeunes par l’emploi.
Du côté du logement, les promesses ne sont pas davantage tenues. Le bilan en la matière est même édifiant. Vous promettiez en 2020 une rénovation énergétique pour 10 000 logements par an ainsi que la production de 6 000 logements sociaux ou en BRS par an.
Depuis, Monsieur Renaud PAYRE a abandonné purement et simplement ces objectifs, pourtant au coeur de vos engagements électoraux.
On comprend pourquoi : selon le rapport « Transition et Résilience » ici présenté, en 2022, seuls 3 471 logements sociaux ont été financés. Quant à l’éco-rénovation, les données de l’ALEC permettent d’estimer que seulement 2 370 logements par an en moyenne ont bénéficié d’une rénovation énergétique depuis 2020.
A titre de comparaison, pendant le mandat précédent, près de 4000 logements sociaux par an étaient produits, tandis qu’environ 3 000 logements bénéficiaient annuellement des dispositifs d’aide à l’éco-rénovation.
Très concrètement, cela se traduit par une forte augmentation du nombre de personnes en demande de logements sociaux 71 709 en 2022 contre 78 351 en 2023, soit une hausse de presque 10%.
Alors Monsieur le Vice-Président à l’Habitat pourrait être tenté de me répondre que la conjoncture s’est complètement retournée. C’est vrai et on ne peut pas vous en rendre responsable. Mais quand pendant presque trois ans, on a entendu votre exécutif dédaigner la construction, les professionnels de l’immobilier, la densification maitrisée et la surélévation des bâtiments, avant de brusquement rétropédaler avec des mesures d’urgence de dernière minute. Quand on a constaté, à Lyon par exemple, l’encadrement des loyers et la hausse de la taxe foncière, qui rendent l’équation impossible à résoudre pour les propriétaires lorsqu’il s’agit de financer la rénovation énergétique. Quand on fait le bilan de tout cela, on se dit que vous avez bel et bien pris le risque d’ajouter de la crise aux crises.
J’en viens désormais à la question des mobilités. Elle est cruciale tant il s’agit d’un enjeu fort pour chaque habitant, chaque salarié et c’est aussi un marqueur politique pour votre majorité. Le fondement parmi les fondements des promesses du « dernier mandat pour le climat ». J’ai bien noté vos récents exercices d’auto-satisfecit, Monsieur le Président. Selon vous, l’usage de la voiture aurait déjà drastiquement diminué, de près de 10% depuis 2019, tandis que l’usage du vélo aurait explosé, avec + 15% sur un an.
C’est là que votre rapport « Transition et Résilience » est particulièrement instructif. Car il indique en effet la dernière mise à jour des parts modales, c’est-à-dire l’importance de chaque mode de déplacements dans nos pratiques de mobilités, exprimée en pourcentage. Si l’on se réfère à la dernière enquête ménage déplacements de 2015, on peut donc en saisir l’évolution.
Ainsi, depuis 2015, la part-modale de la voiture a augmenté de 8 % en passant de 42% à 50% comme indiqué dans votre rapport. Celle des transports a augmenté de 11,6% tandis que la part du vélo n’a augmenté que de 4,3% et celle de la marche a chuté de 26,3%. Nous sommes donc bien loin de l’explosion tant de fois décrite de la marchabilité et de la cyclabilité.
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les membres de la majorité, je conclurai mon propos ici. Des solidarités aux mobilités en passant par le logement et la lutte contre le réchauffement climatique, ce rapport « Transition et Résilience » 2023 nous montre bel et bien que le socle de vos engagements pris devant les Grands Lyonnais en 2020 n’est pour l’instant pas honoré.
Je vous remercie.